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Woher kommen diese Sirenen ???
Julie Erst im Interview mit Jean-Marc Douillard

Die Übersetzung des Interviews ist in Arbeit...

Jean-Marc Douillard : « Sirènes, polyphonies intemporelles » est une suite de chants polyphoniques, pour voix de femme et parfois d'homme, enregistrés a capella. La structure en est aussi intrigante que le message, voilé par l’utilisation de langues multiples (mais on peut lire les textes sur le site www.sirenes-music.net, ou dans le livret du CD). Lors d'une présentation de ces musiques accompagnée d'une installation-exposition à Ganges en 2004, Julie Erst accueillait les spectateurs et les invitait à s'installer confortablement dans des fauteuils ou sur des tapis, pour mieux se laisser aller à l'écoute et découvrir ces musiques surprenantes.
Un des points intrigants pour l’auditeur du moment était le fait qu’il ne s’agissait pas – mais alors pas du tout – d’une musique de relaxation. Plutôt une symphonie qui viendrait d’autre chose que de l’Occident. Musique du passé, musique du futur ?
Entretien avec l’artiste qui est à l'origine des textes, des musiques, – des dessins exposés à Ganges –, et interprète les voix féminines de cette étonnante histoire de Sirènes.



Origines...
D’où viennent ces musiques ?

C’étaient des choses que j’entendais à l'intérieur de ma tête depuis une dizaine d’années quand j'ai commencé à écrire et enregistrer. Des mélanges de voix qui se chevauchent, qui s’enchevêtrent. Pas forcément la mienne. Quelque chose de voisin, aussi, du bruit de fond de la vie. C’est très beau quand tu te mets à écouter musicalement des gens qui se parlent.
Tu entendais toujours les mêmes voix, les mêmes choses ?
Non, ça changeait. Ça pouvait être des voix qui chantaient ensemble, glissaient les unes sur les autres, ou des réponses, des échos sur un fond presque immobile. Pas les formes polyphoniques de choeur traditionnel, où tout est très défini, très mesuré pour chaque intervention. C’était des choses comme des couleurs qui se mêlent.

Une comparaison, ce serait les filets d’eau qui coulent d’un robinet, avec une forme chaotique mais aussi grosso-modo régulière ?
Non, ce n’est pas la bonne image. C’est plus mobile, des filets de vent peut-être : il n’y a pas qu’une direction au mouvement.

A quel moment les entendais-tu ?
Quand je me laissais rêvasser. Pas le soir en m’endormant, mais de temps en temps... un imaginaire sonore.
Et...
Ce n’était pas aussi élaboré que ce que j’ai réalisé, mais c’était quelque chose comme ça.

Il n’y a pas d’équivalent dans la musique ?
Pour certaines personnes, cela évoque des compositeurs comme Ligeti... A une époque, j'ai écouté beaucoup de musique contemporaine et expérimentale, disons dans les années 1970-1980. Ces concerts ont ouvert mon imagination, j'ai appris à me promener dans des mondes sonores inattendus. Je me suis mise à écouter autrement. C’est comme si je regardais quelque chose en me disant que ce n’est plus figuratif. Une photo floue où l'on devine quelquechose, et même plus, où l'on ne sait pas ce que c'est mais on est attiré, retenu par l'image. Pour mes musiques, c'est un peu pareil.

Il y avait un sens dans les voix ? Des mots ?
Non, c’était des mouvements vocaux, cela n’énonçait pas un discours.

Mais l’ambiance révélait-elle un discours caché ?  Dans ce qui me vient à l'intérieur, il n'y a pas de mots ou de texte, mais cela a toujours un caractère sensible. Lequel ?
Ce n'est pas toujours pareil. Tu es bien le premier à qui je parle de ça. Je ne sais pas, cela correspond peut-être au moment où ça se passe, avec des dynamiques, des émotions, des électricités différentes. Ça vient de loin. Alors, quand je compose j'essaie d'entendre ce qui résonne et cherche à se dire, et puis j'essaie de construire une forme vivante, qui puisse faire sens.

 

Signifiant...
Mais il y a désormais des textes à la base?

Pour faire exister ces espaces sonores du dedans, il fallait que je trouve une cohérence, des textes, un propos, qui justifie ces formes polyphoniques. Parce que sans ces fondations, ça n'aurait fait que des trucs qui étonnent un peu, des effets de passage, sans épaisseur ni ressenti. Pas possible de développer 75 minutes de musique a capella.
Donc j'ai écrit le poème Au Voyageur et sa ligne de chant. Et puis j'ai commené à m'enregistrer avec un magnétophone à 4 pistes que j'avais à la maison. Mais ce n'était pas possible de travailler comme ça ! J'ai essayé de voir si je pourrais travailler en studio, je n'avais aucune idée du prix que cela pouvait coûter. Quand j'ai compris - très vite -, et sachant qu'il me faudrait sans doute énormément de temps pour réaliser ce projet, j'ai eu la possibilité de m'équiper de matériel de qualité qui trahisse le moins possible la voix, les nuances, les couleurs, et c'est la récente miniaturisation informatique du matériel de studio (on était en 2000) qui m'a permis de réaliser ce travail. J'ai abandonné le magnétophone à 4 pistes sur K7 pour un 24 pistes numériques...

D’où viennent ces textes ?
Pas pour tous les chants mais pour plusieurs, j'ai cherché des textes, anciens ou modernes, en français et dans d'autres langues. Mais comme je suis très attachée au sens, je ne trouvais pas exactement ce dont j'avais besoin, alors finalement j'ai tout écrit moi-même.
J’ai commencé par le troisième chant, le plus long. Il s’adresse à un voyageur : « O toi, flagrant mystère ». C’est une parole de femme...

On a du mal à saisir le passage entre cette chose qu’il y avait dans ta tête et ce qui est produit maintenant, qui est très structuré par un texte, un sens, une construction très soignée ? Cela ne semble plus être la même chose.
Bien sûr que ce n'est plus la même chose, le processus de création c'est une élaboration très personnelle à partir d'intuitions plus ou moins valables. Il se passe toujours beaucoup de choses même dans un travail réalisé d'un jet. Et comme ici toutes les voix féminines ont été chantées par une seule interprète, et un seul interprète pour les voix masculines, la spontanéïté et l'improvisation sont intégrées dans l'ensemble avec du recul. Ce n'est pas ce que j'avais dans la tête il y a des années qui m'importe aujourd'hui, c'est ce que je propose maintenant pour aller plus loin, écouter, rêver ou réfléchir.

D’ailleurs, le titre « Sirènes », d’où vient-il ?
Entre ces esquisses qui se balladaient dans ma tête et les chants qu'on peut entendre aujourd'hui, il y a eu des tas de questions : qu'est-ce que peuvent dire, murmurer ou chanter ces voix ? donc, qui chante ? qu'est-ce que j'ai envie d'explorer ? qu'est-ce je peux faire avec tout ce que j'observe d'un côté et imagine par ailleurs ? que puis-je écrire et composer qui relie ces potentialités musicales avec les questions essentielles qui s'expriment par la voix et éventuellement la parole ?
Alors Sirènes ça correspond bien à la fois à ce que l'on entend et à l'histoire qui relie les cinq premiers chants, et en même temps cela englobe la réflexion poétique qui traverse l'ensemble. Mais attention, ces Sirènes n’ont rien à voir avec celles de nos contes et légendes, que ce soit la gentille et malheureuse petite sirène d’Andersen, ou les créatures mortifères à moitié oiseaux d’Ulysse ou de Jason.
Mes Sirènes sont en fait des êtres dont la parole est bannie, parce qu'elles disent des choses qui déplaisent, elles rejettent l'asservissement, la violence, l'obscurantisme, elles disent un autre rapport au monde, une autre volonté, alors pour que les humains n’osent pas écouter, on les menace de mort...
Sirènes, évoque ces voix féminines qui jouent ensemble, et le sous-titre, polyphonies intemporelles, suggère l'atmosphère de ces chants inouïs (au sens propre, que l'on n'a jamais entendus).

Pourquoi à la fin y-a-t’il une histoire ?
Et pourquoi pas ?!
Il y a une construction dans l'enchaînement des sept chants, pour à la fois traverser des registres expressifs différents, et pour nourrir les développements musicaux. Les cinq premiers chants font un ensemble, depuis le moment où les Sirènes s'éveillent, leur rituel à l'aurore, leur chant qui s'adresse au Voyageur venu jusqu'à elles, puis c'est à son tour à lui de dire qui il est, ce qu'il cherche, avec la belle voix de Vincent Le Texier, et au cinquième chant elles le prient de retourner faire quelque chose dans ce monde, avec lucidité, courage et bienveillance. Les chants VI et VII parlent d'autre chose, avec une certaine audace, dans l'un on peut écouter d'où viendrait le chant, et dans l'autre d'où viendrait le langage...

Pourquoi utilises-tu plusieurs langues ?
Parce que j'aime écouter la musique incroyablement diverse des langues parlées. Et puis je suis fascinée par la façon dont chaque langue, parlée ou écrite, vivante ou morte, procède pour décrire le monde des choses ou des idées, pour signifier des notions ou des faits qui n'ont pas de mot dans d'autres vocabulaires. Au cours de mes études, j'ai abordé de près ou de loin un certain nombre de langues, européennes et asiatiques, et j'ai un bonheur particulier avec ça.
Dans le premier chant, quand les Sirènes s'éveillent, elles appellent l'aurore dans une cinquantaine de langues ou dialectes. Une manière de se rappeler qu'il y a des choses primordiales communes à tous qui s'expriment dans la plus grande diversité... le plus difficile reste de se comprendre. Le deuxième chant est en japonais. J'ai cherché des textes anciens, des hymnes védiques, consacrés à l'aurore, mais ils étaient trop marqués religieusement ou narrativement. Alors j'ai écris un poème en français, que mon amie Yuko Tashiro a traduit dans sa langue maternelle, dont j'aime les sons et les rythmes (bien que je ne la parle pas).
Pour le sixième chant In Memoriam, le chant de la douleur, celui où je propose de faire entendre comme la plainte, le gémissement se transforment et modulent peu à peu jusqu'à devenir musique, je voulais une langue puissante et majestueuse pour répondre à la souffrance. Mais après quelques essais dans différentes langues parlées par des amis, je me suis mise à imaginer un poème dont les sons, la structure des mots et la construction des phrases traduisait ce que je voulais exprimer mieux que tout ce que j'avais entendu.

Est-ce inscrit dans un cycle ? Partie numéro un : Sirènes ?
Le CD est juste terminé. Cela représente plusieurs années d'élaboration et de travail (tout en faisant d'autres choses par ailleurs). Sirènes pourrait se prolonger dans du visuel, cela fait longtemps que j'ai des idées dans ce sens, mais le contexte de la création scénique est particulièrement difficile en ce moment et je ne suis pas sûre de mobiliser mon énergie dans cette direction.
De plus, même si on n'écoute actuellement ces polyphonies qu'en stéréo, je les ai conçues dans une spatialisation avec plusieurs sources sonores. Alors est-ce que je passe au support images et son en 5+1... Pour cela il faudrait une vraie production et un budget que je ne peux pas assumer seule comme je l'ai fait pour la création musicale.
Et puis, j'ai aussi d'autres projets, mais je crois que c'est encore un peu tôt pour en parler !

Sirènes est un monde exclusivement féminin ?
Non, Vincent Le Texier intervient seul dans le quatrième chant qui s'appelle La Parole de l'Homme, et les Sirènes s'adressent à lui dans le troisième et le cinquième chant.
Et à la fin, dans le septième chant intitulé Où Vous êtes, ce sont nos voix qui se répondent pour évoquer la naissance du langage...

 

Fabrication...
Tu élabores tout, quasiment seule. C’est bien entendu une question d’argent, mais n’est-ce pas aussi une nécessité artistique ?
Il y a des centaines d’heures de boulot, donc la solution c’était de travailler à la maison. Explorer les couleurs, les inflexions, les registres d'une voix, au service d'une sensibilité, d'une expression, d'un caractère musical (pas d'un catalogue de tout ce que l'on peut sortir), c'est cela qui me passionnait. Alors j'ai utilisé mon instrument de musique, c'est bien un projet de chanteuse ! C'était plus commode pour caler les séances d'enregistrement... J’ai des amies qui ont un timbre de voix très différent du mien, mais je ne cherchais pas ce type de différenciation. Le travail des Sirènes, c’est un travail sur l’infime, sur les nuances, les âges et les émotions, sur l’énergie de la voix. Même s’il y a des choses qui se ressemblent dans la forme, sur la longueur rien n’est construit pareil.
Pour chaque chant, sa réalisation se mesure à quelque chose de très profond. Après avoir fini une partie, j'essaye de l'oublier. Et quelques temps plus tard je la redécouvre avec une attention très spéciale, je l'écoute, pas seulement avec ma tête, mais en étant profondément sensible aux échos, aux impressions que je ressens dans le corps. C'est comme ça que je sais si c'est bon ou pas, si ça va vers quelquechose, si la musique avance et porte. D’ailleurs, un truc sans tempi, sans instruments, pour que ça tienne la route musicalement, il faut que ce soit fondé, que ça ait un sens, une dynamique intérieure, une sorte de nécessité.

Donc, cela a été fait avec un magnétophone et des ré-enregistrements ?
Comme avec mon simple magnéto à quatre pistes, ce n’était pas possible, c’est grâce à l’aide d’un ami très généreux que j’ai pu acheter un ordinateur, un bon logiciel son, et des enceintes d'écoute. Et puis on m’a prêté de superbes micros. Tout cela me permettant d'enregistrer, de travailler les sons et de les mixer. Bien sûr, toutes ces prises de son ont été faites en plusieurs fois. Pour les chants avec Vincent Le Texier, on a fait deux séances d’enregistrement et j’ai eu tout le temps de travailler ensuite au mixage.
Une grande partie de ce qu’on entend est composé à partir d'une ligne de chant écrite, qui s'enrichit de variations, échos, répons, permettant de développer l'espace musical. Le chemin a été très long et le projet s’est étalé sur plusieurs années.

Cela a évolué au fur et à mesure?
Pas sur l’essentiel. La vraie réalisation avec le matériel adéquat a enfin pu commencer un an après l'écriture du chant Au Voyageur, et je n’ai pas changé une seule note sur ce que j’avais écrit de la ligne principale, avec les phrasés, les hauteurs, les indications de durée...
Ces polyphonies sont aux antipodes de mon travail quotidien à l’Opéra de Montpellier, que ce soit dans le répertoire classique ou dans la musique contemporaine. D'abord le contexte n'est pas le même, puisque je suis seule et l'on n'a pas besoin d'être tous, chanteurs et musiciens, au rendez-vous à la baguette du chef d'orchestre pour faire vibrer la partition. Ce que je fais s'interprète sans mesure ou tempo extérieur, on ne compte pas les temps pour que cela ressemble à quelquechose, on entend absolument tout ce qui se passe, contrairement à la réalité scénique, en fait on est peut-être plus proche de ce qui se passe au moment de la composition, c'est un travail très intérieur, très exigeant et très libre en même temps...

 

Spectacle...
Les Sirènes supposent-elles un lieu, une mise en espace du spectateur, une relaxation précise
(ce qui pourrait correspondre au rocher des sirènes et au bateau de l’auditeur) ?
Il faudrait vraiment oublier cette histoire grecque à cause du titre Sirènes. Même si je vous propose de vous embarquer pour une ballade musicale un peu originale !
Lorsque ces musiques Sirènes sont invitées pour être diffusées en public, je demande toujours que les gens puissent être assis confortablement autant que possible. Parce que souvent quand on écoute de la musique, on reçoit quelquechose de bien cadré, de souvent assez puissant pour te mener complètement. Mais dans mes chants, je propose quelquechose de très nu, très dépouillé, la voix seule ça ne remplit pas comme un orchestre. Et j'ai essayé surtout avec le deuxième chant en japonais, de laisser beaucoup de place à l’imaginaire de celui qui écoute. Ce n’est pas une forme où ça swingue ou ça plane. Là il n'y a qu'une voix, ce n'est même pas polyphonique, mais avec quelques bruits par en-dessous. Cela renvoie à des choses personnelles de l’auditeur, et d'une manière générale, la disponibilité à l'écoute est quand même plus grande quand on est bien assis ou bien installé.

N’est-ce pas général à la musique contemporaine ?
Je ne sais pas si c’est de la musique contemporaine. Les distributeurs ont l’air de dire le contraire. Je regarde sur le net où ça rentre comme case... je ne suis nulle part.
En même temps, cette création est tout à fait actuelle, on peut même dire que sans la technologie d’aujourd’hui elle était inconcevable ! Et sur le fond, les formes et contenus, elle provient d’une réflexion, d’un regard, de questions qui traversent les siècles, mais ne pouvaient se condenser ainsi dans une œuvre musicale qu’à notre époque.

Non, ce que je voulais dire, c’est que la démarche intègre tout, de la conception aux conditions d’audition (dans la tête de l’interviewer, il y a la volonté de voir s’il y a un lien avec la démarche de Boulez dans Répons , ou pour prendre une comparaison avec la danse, avec Chopinot dans Le défilé ou dans K.O.K.). C’est conjoncturel ou voulu profondément ?
Je n'en suis pas à faire les plans de salle ou de théâtre. Néanmoins, les retours que j'ai pu avoir des personnes qui ont suivi cette création au fur et à mesure, m'ont fait comprendre à quel point ces musiques ont un écho intérieur, intime, comme un voyage vers de grands espaces et au fond de soi en même temps. Un monde proche et lointain dans lequel on se laisse éventuellement aller. C'est pourquoi j'ai envie que les auditeurs se sentent bien pour écouter ces chants qui ne durent pas que 2'35... Mal assis tu n'es pas vraiment disponible, et comme ça ne fait pas danser d'un pied sur l'autre, tu ne sais plus où tu es. En fait, il me semble que la position et le confort de l'auditeur sont des éléments importants pour pas mal de musiques, non ?
A Ganges, j'avais eu la possibilité d'installer des dessins et d'aménager l'espace en relation avec cet univers musical, mais ce n'est pas toujours le cas. Là j'ai montré des esquisses de visages, avec une matière qui les voile. Très présent et indéfinissable, l’intériorité toute proche.
Et à Lodève, pour le Festival de poésie des "Voix de la Méditerranée", il y a des chaises longues. Le lieu d'écoute est choisi par la Directrice du Festival, Maïthé Vallès-Bled, en veillant au cadre et à l'agrément des auditeurs, le cloître de la cathédrale en 2001, un grand jardin calme où regarder les étoiles en 2006.
D'autre part, si je m'embarque dans la réalisation pour plusieurs enceintes de diffusion correspondant à la répartition des voix tout autour du public, je vais être confrontée à des problèmes acoustiques très subtils, et là il faut presque un mixage selon chaque lieu, et un très bon ingénieur du son. Cela nécessite une autre organisation...
Il y a un moment, j'avais l'idée d'un espace démontable -mais cela me semble trop lourd à gérer-, où le public placé au centre pourrait écouter les yeux fermés ou bien laisser traîner son regard sur les parois en soie blanche réfléchissant des jeux de lumières très lents et quelques images choisies. En fait mon rêve, si j'avais les moyens, serait de demander un lieu à James Turrel, cet artiste fait des installations extraordinaires avec les couleurs dans la lumière, c'est immatériel, coloré et changeant. C'est fascinant et splendide.

C’est une musique qui ne peut pas être faite directement en concert ?
Oui et non, parce que c'est complètement enregistré, et c'est construit comme ça.
Pour faire des concerts live avec une interprète en scène, ce serait une autre oeuvre, à écrire autrement (il y a quelques années je suis allée à Lyon faire un tour au Grame, le centre de création musicale), qui porterait une autre dynamique intérieure, une autre réalisation, avec beaucoup d'écriture informatique pour restituer des polyphonies et un ingénieur du son très complice au fur et à mesure.
Alors les concerts de Sirènes dans l'esprit d'origine, ça veut dire l'écoute de l'enregistrement simplement. C’est pour ça que je tiens à être là et que j'accueille le public, je présente brièvement chaque chant, et l'on peut discuter après le concert. Parce que les gens aiment bien la présence et le contact avec les artistes. Et moi, j'aime rencontrer les personnes qui viennent écouter les Sirènes.